La 58e édition du Festival international de Testour vient de s’achever avec brio. A cette occasion, nous avons rencontré M. Fakhreddine Guerwechi, directeur de l’événement. Il nous a livré ses impressions sur le déroulement de cette édition emblématique, offrant un aperçu des coulisses de ce rendez-vous culturel qui lutte pour perdurer.
Ce festival, qui en est à sa 58e édition, est spécialisé dans le malouf. Il a été créé dans le cadre d’un concours entre des troupes tunisiennes de différentes villes comme Bizerte, Sousse, Sfax et La Marsa. Cependant, il y avait aussi une programmation d’autres soirées de malouf animés par des artistes, tels que Dorsaf Hamdani, Sirine Ben Moussa, etc. Sans oublier une exposition de photos durant la première journée du festival qui a résumé un parcours de 57 ans.
Cet intérêt pour le malouf est dû à la nature andalouse de la région, qui abrite un patrimoine matériel présent dans les coutumes et traditions, ainsi qu’un patrimoine immatériel représenté par le malouf, trans mis au sein des familles de Testour. Malheureusement, «le malouf n’a plus un grand public comme autrefois en raison de l’évolution des goûts, mais nous travaillons dur pour préserver ce patrimoine musical authentique. C’est pourquoi cette édition a été appelée “El Foundou”, afin de mettre en valeur cet héritage», a commenté F. Guerwechi.
L’impact financier sur le rayonnement du festival
Paradoxalement, la ville de Testour n’a pas été incluse dans le festival cette année car nous n’avons pas pu former une troupe de malouf à Testour. «Malgré la création de la Maison du Malouf, nous n’avons pas pu constituer une troupe, faute de moyens financiers. La Maison du Malouf, une institution de formation en musique de malouf, est censée devenir une pépinière de musiciens et qui aurait dû être prête en 2023. Malheureusement, le budget du ministère a été réduit de 40.000 d lors de la 56e édition à 20.000 d au cours de la 57e édition et, à ce jour, nous n’avons pas reçu de fonds. Nous ne connaissons pas non plus le montant que le ministère allouera pour cette 58e édition, ce qui reflète une faible gouvernance qui affecte tous les festivals d’une façon générale», a-t-il poursuivi.
Bien que ce festival ait une dimension internationale, cette année, et les années précédentes, nous n’avons eu qu’un seul participant étranger (libyen), alors que de nombreux pays ont participé dans les années 80 et au début des années 90, comme l’Algérie, le Maroc, l’Égypte et l’Espagne, dans le cadre de la coopération internationale. Le manque de moyens financiers a conduit à une diminution des participations internationales, laissant uniquement la Libye présente grâce à Hassan Al-Arybi, l’un des premiers participants et fondateurs de l’internationalisation du festival de Testour, en 1973. En fait, depuis dix ans, l’Etat s’est désengagé de ce projet, ne soutenant plus qu’une seule prestation libyenne. Programmer des spectacles d’autres pays sur nos propres fonds nous reviendrait à au moins 25.000 dinars, malgré leur participation gratuite, ce qui est très coûteux, surtout que le public est devenu réticent à assister à ces spectacles. Le rôle du ministère de la Culture devrait être primordial, il devrait fournir tous les moyens nécessaires pour préserver ce patrimoine musical afin qu’il ne disparaisse pas», a-t-il ajouté.
Le rôle des amateurs du Malouf dans la préservation de ce patrimoine musical
Le festival de Testour offre une opportunité aux amateurs et aux clubs de musique qui cherchent à préserver cet héritage, comme la Rachidia du Malouf de Sousse qui a accaparé cette année la première place, suivie du club Khmaies Tarnane, et la chorale de La Marsa culturelle, «qui a formé un club d’amateurs, devenu un club professionnel dirigé par le professeur Nizar Abdelkefi, Mmes Hayet Ben Cheikh et Asma Mallek et qui est monté sur le podium depuis 2022, obtenant la troisième place en 2022, la deuxième place en 2023 et la troisième place cette année, en présence d’un jury composé de maîtres du malouf comme MM. Mohamed Abid, Khalil Hafhouf et Youssef Gritli. Il est à noter que l’élément féminin a été inclus cette année, une initiative à saluer, car elle a apporté un souffle nouveau et pourrait porter le flambeau dans les années à venir», a poursuivi F. Guerwechi. Ces compétitions entre ces clubs et associations sont très encourageantes puisqu’elles n’exigent pas des conditions complexes, telles que la présentation d’une partie de la nouba et de l’istikhbar, c’est-à-dire l’utilisation d’instruments comme l’oud, le qanun et le violon, l’improvisation, les costumes traditionnels, ainsi que des instruments anciens comme le rebab et les nagharats. «L’objectif est de raviver ces anciens instruments, d’autant plus que beaucoup de musiciens ne maîtrisent pas leur utilisation», a renchéri F. Guerwechi.
Soutien libyen et espagnol
«L’exception, cette année, est la présence de la ministre de la Culture libyenne, une initiative à saluer. La Libye a participé cette année avec la troupe de Tadjoura, et le festival de Testour du malouf a honoré cette troupe. Le festival de Testour est le seul événement qui accueille les troupes libyennes de malouf, ce qui est à son honneur, alors que, malheureusement, le ministère tunisien de la Culture était absent cette année», a poursuivi le directeur du festival. Le festival a également enregistré la présence de l’ambassadeur d’Espagne et du directeur du centre culturel espagnol à Tunis, qui ont soutenu une partie de la soirée de Sirine Ben Moussa, nommée «soirée Tunis andalouse». Cette soirée exceptionnelle a présenté des chansons tunisiennes, espagnoles, marocaines, algériennes et de Testour avec de nouveaux arrangements.
Dar Hbiba Msika : quel sort ?
La Maison de Habiba Msika, initialement transformée en centre culturel, et ce, durant quarante ans afin de préserver sa vocation artistique, a été reprise par l’Agence de mise en valeur du patrimoine et transformée «provisoirement» en bibliothèque publique. «Nous espérons que ce provisoire ne durera pas longtemps. Selon la déléguée à la culture, lors de la conférence de presse, la Maison de Habiba Msika deviendra un institut de musique spécialisé dans le malouf, ce qui est en réalité le projet de la Maison du Malouf. Nous espérons que ce projet passera la vitesse supérieure et se réalisera, et que nous aurons un institut comprenant une troupe de malouf qui participera à son tour au Festival de Testour, faisant ainsi de la Maison de Habiba Msika un centre culturel de rayonnement international», a déclaré F. Guerwechi. Le directeur du festival a souligné le rôle important que joue le comité d’organisation du Festival de Testour. «Ces jeunes bacheliers et étudiants sont un atout primordial pour le festival, et il est nécessaire de compter sur eux et de les préparer à prendre le relais dans le comité directeur afin de promouvoir le malouf et de le préserver de l’oubli», a conclu Fakhreddine Guerwechi.